Guinée: escalade des violences post-électorales dans l’attente des résultats

Un manifestant jette une pierre lors d'une manifestation de membres de l'opposition guinéenne, dans une rue menant à l'ambassade de Guinée à Dakar, le 21 octobre 2020. - Alors que les tensions sont déjà vives, le principal chef de l'opposition guinéenne Cellou Dalein Diallo a déclaré le 19 octobre sa victoire à l'élection - avant l'annonce des résultats officiels, qui sont attendus cette semaine. Les partisans de l'opposition sont profondément méfiants quant à l'équité du scrutin, bien que le gouvernement insiste sur le fait qu'il était juste. (Photo par Seyllou / AFP)

La Guinée, qui attend les nerfs à vif les résultats de la présidentielle de dimanche, a vécu mercredi une escalade des violences post-électorales, qui ont fait neuf morts depuis que le leader de l’opposition Cellou Dalein Diallo s’est déclaré vainqueur lundi, selon les autorités.

Barricades enflammées, jets de pierres de jeunes partisans de l’opposition, riposte des forces de l’ordre à coups de frondes et de gaz lacrymogène, coups de feu et de poignard, saccage d’un poste de police: le ministère de la Sécurité a dressé un bilan sombre mais auquel l’on pouvait s’attendre après la joute électorale entre le président sortant Alpha Condé, son vieil adversaire Cellou Dalein Diallo et dix autres candidats.

« Ces faits sont très malheureusement aggravés par des pertes en vies humaines », a souligné le ministère dans un communiqué.

Dès le début de la matinée mercredi, une épaisse fumée noire s’échappait de plusieurs carrefours de la route Le Prince, qui traverse les fiefs de l’opposition dans la banlieue de la capitale, où des barricades ont été enflammées sur la route, ont constaté les journalistes de l’AFP.

Dans l’un de ces quartiers populaires, Wanindara, les forces de l’ordre peinaient à contenir des dizaines de jeunes sortant des ruelles pour se rassembler sur la route principale et jeter des pierres sur les policiers qui répondaient à coups de gaz lacrymogène.

Lynché à mort

Côté civil, le ministère de la Sécurité a dénombré depuis lundi « quatre corps de victimes d’armes à feu, déposés dans les morgues de l’Hôpital Donka et de Ignace Deen » à Conakry , « un mort par arme blanche et deux autres par arme à feu calibre 12 » (un calibre de chasse, ndlr) à Kissidougou (à l’est de Conakry) et un citoyen abattu à Coyah, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale.

Un policier a également été tué, « lynché à mort à Bambéto », un faubourg de Bamako, selon le communiqué.

Un autre policier a été « poignardé » au lieu-dit la Cimenterie mais « ses jours ne sont heureusement pas en danger », a précisé à la presse le ministre de la Sécurité, Albert Damantang Camara. Il a ajouté que « plusieurs autres agents des forces de l’ordre ont été blessés ».

« Ces agents, dépourvus d’armes létales, faisaient partie du dispositif mis en place pour enlever les barricades sur la route Le Prince (qui traverse des fiefs de l’opposition) et maintenir l’ordre », précise le ministère, ajoutant que « la police judiciaire s’est immédiatement saisie de tous ces décès, ordonné des autopsies et ouvert des enquêtes ».

« Au moins trois personnes ont été tuées, que j’ai vues de mes propres yeux entre Lambanyi et Sonfonia », deux quartiers de la banlieue nord de la capitale, avait auparavant affirmé à l’AFP l’adjudant Mamadou Kéganan Doumbouya, sans que l’on ait la certitude que ces victimes fassent partie de celles recensées par le ministère de la Sécurité.

Il a cité « un jeune d’une trentaine d’années » tué d’une balle et un homme « fauché par un mini-bus venant à pleine vitesse sur un trottoir ». Selon Hadjiratou Barry, une habitante du quartier de Bailobaya, son frère a été « tué par les forces de l’ordre qui lui ont tiré dessus alors qu’il tentait de fuir ».

Le parti de Cellou Dalein Diallo a accusé le pouvoir d’être responsable de ces violences, et de vouloir lui voler la victoire.

Le président sortant Alpha Condé, qui brigue à 82 ans un troisième mandat controversé, a lancé sur les réseaux sociaux un « appel au calme et à la sérénité, en attendant l’issue du processus électoral en cours dans notre pays ».

« Il y aura un vainqueur »

La commission électorale nationale a annoncé mardi soir de premiers résultats du scrutin de dimanche portant sur quatre des 38 circonscriptions du pays, dont trois à Conakry et sa périphérie.

M. Condé l’emporte largement dans les quatre circonscriptions sur son principal rival Cellou Dalein Diallo, 68 ans, et dépasse les 50% dès le premier tour dans trois d’entre elles, selon ces résultats, qui ne permettent pas « d’extrapoler » un résultat national, selon un responsable de la commission électorale.

Le camp de M. Diallo a accusé celui du chef de l’Etat de « tout mettre en œuvre pour faire modifier les résultats sortis des urnes en sa faveur ».

« Bien sûr qu’il y aura un vainqueur, mais ce n’est pas pour autant que la démocratie sera menacée ou que la paix sociale devient impossible. Si la victoire me revient, je reste ouvert au dialogue et disponible à travailler avec tous les Guinéens », a assuré Alpha Condé sur Facebook, se disant « conforté » par les premiers résultats publiés.