Bénin: armée des creux contre année blanche – morte (chronique de Gbégnonvi)
En embuscade dans le clair-obscur de la confusion, ils guettent la perspective de morts par dizaines pour faire céder l’Etat qui aura pris peur, ils guettent la perspective d’une année blanche pour faire céder l’Etat qui n’en voudra pas. Pauvre Etat pris entre des factions corporatistes qui ont érigé l’immobilisme en bravoure néfaste au bon fonctionnement de la République. ‘‘Nous pas bouger, pas moyen bouger’’, chante-t-on dans la langue de Moussa.
Laissons les morts éventuels pour cause d’hôpitaux fermés. Même en ces solennités pascales, nul ne saurait les ressusciter. Puisse, le cas échéant, la terre leur être légère. Sous la Révolution devenue incapable de payer les fonctionnaires, nous avons subi deux années blanches, deux années mortes pour tous les apprenants. Ce n’est pas si grave pour les étudiants : à même de travailler seuls, sans autres guides que livres et manuels, ils peuvent mettre à profit une année académique sans évaluation, pour se renforcer dans les disciplines qui leur résistent. Ce n’est pas le cas des écoliers et des élèves. Ils ont besoin de leurs maîtres. Pour eux, une année blanche est une année bien morte, un membre de leur corps amputé, une année irrattrapable dans leur cursus scolaire. Cette mort blanche peut avoir sur l’enfant et sur l’adolescent des conséquences graves appelées dégoût, révolte, abandon, délinquance. Si par malheur, l’année scolaire 2017-2018 bégayante vient à être déclarée blanche-morte, comment, cette fois-ci, éviter à nos enfants et petits-enfants du primaire et du secondaire le traumatisme d’un vide où peuvent germer des vices nauséabonds ?
Et pendant que nous le faisons, nous obtiendrons de l’Etat qu’il prenne langue avec les syndicats pour que, à l’avenir, en cas de grève molle ou dure, on épargne toujours et nécessairement les apprenants du primaire et du secondaire. Tel sera le combat. Tel sera le double devoir de l’armée des preux, si d’aventure l’année 2017-2018 venait à être déclarée blanche-morte. Sauver notre avenir. Sauver l’avenir du Bénin. Nous le ferons pour changer et enchanter le cours de notre histoire. Nous le ferons pour plaire à Aimé Césaire, qui ne pourra plus ironiser que ‘‘Rien ne put nous insurger jamais vers quelque noble aventure désespérée.’’ Nous le ferons pour l’honneur et pour la dignité de l’homme au Bénin.
Roger Gbégnonvi
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