Présidentielle 2020 en Côte d’Ivoire : quand la cour africaine joue les trouble-fêtes
La Cour africaine des Droits de l’homme et des peuples (CADHP), juridiction avec laquelle Abidjan a pris ses distances, a demandé mardi à la Côte d’Ivoire de permettre à l’ex-chef rebelle et ex-Premier ministre Guillaume Soro de se présenter à la présidentielle du 31 octobre alors que sa candidature avait été rejetée hier par le conseil constitutionnel.
La CADHP « ordonne à l’Etat de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de lever immédiatement tous les obstacles empêchant M. Soro de jouir de ses droits d’être élu et d’être élu notamment lors de la présidentielle d’octobre 2020 », selon le texte de l’ordonnance publié sur son site internet. Une situation inédite alors que le conseil constitutionnel avait déjà statué sur la liste définitive pour la présidentielle d’octobre.
Lundi, le Conseil constitutionnel ivoirien a refusé 40 des 44 candidatures à la présidentielle d’octobre dont celles de M. Soro ou de l’ancien président Laurent Gbagbo. Elle a en revanche validé la candidature à un troisième mandat controversé du président sortant Alassane Ouattara.
Situation inédite
M. Soro qui a été condamné à 20 ans de prison pour « recel de détournement de deniers publics » est aussi accusé de « tentative d’insurrection ». Lundi, le conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire qui a proclamé la liste définitive des candidats retenus pour participer à l’élection présidentielle d’octobre 2020 avait invalidé sa candidature ainsi que celle de Mabri Toikeusse, Amon Tanoh, Mamadou Koulibaly.
Ces personnalités, vues comme de sérieux challengers à Allasane Ouattara, ont vu leur dossier rejeté pour n’avoir pas obtenu le nombre de parrainage requis par le code électoral. En ce qui concerne Soro, il ne figure pas sur la liste électorale et donc inéligible en Côte d’Ivoire.
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La Côte d’Ivoire a « retiré sa déclaration de compétence » à la CADHP – dont le siège est à Arusha – en avril 2020 et de fait se désintéresse depuis de ses décisions. Ce retrait était justement intervenu après que la Cour ait ordonné de suspendre les procédures judiciaires à l’encontre de M. Soro, qui l’avait saisie.
Abidjan avait accusé la cour de porter « atteinte à la souveraineté de la Côte d’Ivoire, à l’autorité et au fonctionnement de la justice » et de « saper les bases de l’Etat de droit par l’instauration d’une véritable insécurité juridique ».
A couteau tiré
Saisie par l’opposition, la Cour africaine avait également demandé l’année dernière à la Côte d’Ivoire de réformer sa commission électorale en vue de la présidentielle. Les autorités avaient été très lentes avant de mettre en place une réforme critiquée par l’opposition, qui avait à nouveau saisi la Cour.
Mardi, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire de l’ancien président Henri Konan Bédié, dont la candidature a été validée et qui s’annonce comme le principal adversaire du président Ouattara, a déclaré mardi qu’il ne participera pas aux élections des bureaux des commissions électorales locales, le 15 septembre. Depuis des mois, l’opposition met en cause la Commission électorale indépendante (CEI), l’accusant d’être inféodée au pouvoir.
Un troisième mandat controversé
Le 5 mars 2020, le président Ouattara, au pouvoir depuis 2010 et qui entretenait depuis des mois le mystère sur son éventuelle candidature à un 3e mandat, annonce qu’il ne se présentera pas à la présidentielle d’octobre 2020, afin de “laisser la place aux jeunes générations”. Mi-mars, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly est désigné candidat à la présidentielle par le parti du président, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP)
Le 8 juillet, M. Coulibaly décède, une semaine après son retour de France où il a été hospitalisé deux mois pour problèmes cardiaques, plongeant le pays dans l’incertitude. Le 6 août, Alassane Ouattara annonce finalement briguer un 3e mandat, invoquant un “cas de force majeure”.
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L’opposition lui conteste le droit de se représenter en vertu de la Constitution qui n’autorise que deux mandats, mais le président estime que la nouvelle loi fondamentale de 2016 a remis le compteur des mandats à zéro.
La crainte de violences meurtrières à l’approche du scrutin du 31 octobre est forte, dix ans après la crise née de la présidentielle de 2010, qui avait fait 3.000 morts après le refus du président Laurent Gbagbo de reconnaitre sa défaite électorale face à Alassane Ouattara.
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